A DIVINIS
Le coup de cœur de Vera !
Vera Mar
Ce n'est plus Jule Mathias,
c'est Mozart.
Ce roman est la suite directe de Rose, et c'est tout ce que je peux en raconter, sauf à pollugâcher tout aux futurs lecteurs. En effet, il n'est question que de rebondissements dans cette histoire, ça rebondit, ça rebondit, ce n'est plus une histoire, c'est une superballe (ou un kangourou). Et ça commence tout de suite, donc, si j'en raconte ne serait-ce que le début du commencement, je salope la surprise, et ça, je ne me le pardonnerais pas.
Je dirai donc simplement que c'est un pur chef d'œuvre. Il est encore meilleur que le premier, de mon point de vue, et j'encourage cependant toujours la lecture de Rose avant de l'entamer, sauf à manquer de quelques références utiles.
Faute de pouvoir aborder le fond, je m'étalerai donc sur la forme. L'écriture est celle de Jule Mathias, une surécriture qui contraste génialement avec la crudité du propos, et une richesse de vocabulaire à faire pâlir d'envie Messieurs Larousse et Robert. J'ajoute que les amateurs de passé simple et d'imparfait du subjonctif, comme moi, seront largement servis.
C'est un pageturner, on a envie de connaître la suite tant il y a de surprises et de suspense. Quand enfin on découvre le pot-au-rose (c'est le cas de le dire), on s'esclaffe. Oui, c'est souvent drôle et le burlesque est d'ailleurs assumé.
Ce qui me frappe, c'est la virtuosité de l'auteur. Qu'on en juge. À un moment de l'histoire, un personnage raconte son histoire à Rose, tandis que le narrateur est en pleine action. Histoire dans l'histoire. Au cours de ce récit, un autre personnage se met à son tour à raconter son histoire. L'histoire du personnage 2 est donc rapportée par le personnage 1 tandis qu'elle se raconte à Rose. Histoire dans l'histoire dans l'histoire, on se croirait dans les mille et une nuits. On pourrait s'y perdre, si on ne comptait pas sur l'auteur qui nous ramène sans cesse sur le chemin en utilisant… l'action dans laquelle se trouve le narrateur. Cette action, en apparence secondaire, joue le rôle de la boussole qui nous empêche de nous égarer dans les méandres d'un récit aux multiples degrés. Ce n'est plus Jule Mathias, c'est Mozart.
Michel Zvenigorosky

"Oh oui ! Salis moi le dogme !"
"un talent hors norme"

Week-end en vue, un peu de lecture ? Vite, découvrez ce livre !
Voici pourquoi il faut le lire :
"A DIVINIS" fait suite au premier roman de Jule Mathias : ROSE
Dans ce nouvel opus, "Rose et son esclave sont les survivants d'une soirée effroyable" , d'où ils parviennent à s'enfuir. Un road-trip débute alors, fuite en avant semée d'embûches et de perversions superlatives.
Le récit burlesque, iconoclaste, blasphématoire, à la fois sombre et drôle dans l'outrance happe le lecteur, l'entraîne dans les méandres les plus ténébreux de la psyché humaine, disserte sur la liberté, le pouvoir, les relations humaines, l'orgueil, le rapport de l'homme à Dieu, la religion, les tortures -subies par Pamphile et d'autres- en tous genres de la vie :
"Ce monde est un asile d'aliénés mené par les névrosés les plus atteints." (p.86)
Qui est Rose, la bourrelle de Pamphile ? Elle-même se définit ainsi :
"Moi, je suis hors catégorie. (…) Je suis née en enfer et j'ai brûlé Satan." (p. 88)
Pour Pamphile : une femme qui souffle le chaud et le froid, et qui "(…) aurait rendu fou n'importe qui" (p253), à laquelle il voue l'amour fou du captif pour son geôlier tourmenteur.
Cet ébouriffant périple est mené tambour battant, parfois en jeux de miroirs, ou de matriochkas, quand, par exemple, un personnage secondaire raconte ses souvenirs, histoire dans le déroulé de l'histoire rapportée par le narrateur et dont il est acteur en même temps. On verra plus tard que ce tour de passe-passe d'écriture astucieux sert le dessein de l'auteur afin de mener son lecteur vers des dévoilements attendus, tout en le sidérant de rebondissements en péripéties tordues.
A DIVINIS est, comme Rose en fournit la traduction " (…) loin des choses divines." (p.273), un conte, une fable, une forêt enchantée dans laquelle il faut oser emprunter les sentiers tortueux pour y croiser une galerie de monstres, allégories d'une sinistre humanité.
Si la crudité et l'ignominie des sévices subis et infligés au fil du récit sont indubitables, l'écriture même de Jule Mathias vient en contrepoint arachnéen piéger le lecteur pour mieux le séduire, l'enrober de ses rets.
La richesse foisonnante du vocabulaire, du style, en décalage avec le propos, vient confirmer -s'il en était besoin- un talent hors norme, une plume rare et assurée, qui manie passé simple et imparfait du subjonctif pour le plus grand bonheur de l'amateur de littérature, d'une langue opulente, maîtrisée au-delà de la perfection. Un bonheur devenu trop rare, et qu'il faut déguster à pages gourmandes, avec tout le respect dû à l'écrivain. Quand bien même on devient vite accro et que l'on s'empiffre goulument, jusqu'à l'éclat de rire final.
Diable d'homme !
Julie-Anne de Sée